Échappant à toute régulation, le fonctionnement de la médecine libérale en France est rattrapé par l’évolution des services de santé publique. La coordination entre les différentes professions médicales et paramédicales devient d’autant plus nécessaire à l’échelle des territoires…
Avec Frédéric Dugué médecin spécialiste de santé publique, directeur du pôle Santé-Sociale au sein du cabinet Planète Publique

• Vendredi 6 janvier 2023, le président Emmanuel Macron s’est rendu à l’Hôpital de Corbeil-Essonnes pour adresser ses vœux au personnel de santé et apporter réponses et solutions aux différentes crises du système de soins : crise de l’hôpital d’abord et en particulier des urgences qui saturent sous le coup de la triple épidémie de Covid, de grippe et de bronchiolite. Mais la crise est aussi étendue à la médecine libérale qui peine à couvrir le territoire laissant les patients démunis dans de vastes déserts médicaux … Selon le chef de l’Etat, la réponse ne passera pas seulement par l’augmentation des moyens, mais aussi par la coopération entre les différentes professions pour former des coalitions de santé à l’échelle des territoires.

Deux modèles de médecine…

• Le système de santé français est marqué par deux modèles de médecine assez différents, qui coexistent : un système hospitalier qui est un service public spécialisé sur les soins technique épisodiques et une médecine libérale qui suit une logique concurrentielle et dont les mots d’ordre historique sont liberté et indépendance. Bien que la sécurité sociale régule les tarifs, la libre installation des praticiens reste en place. En résulte deux univers qui fonctionnent sur des logiques et cultures très différentes, avec assez peu d’inter-connaissance dans les façons de travailler. Or, dans un contexte de tensions avec des disponibilités limitées à l’hôpital comme en médecine libérale, la viabilité du fonctionnement actuel du système de santé tend à s’essouffler.

La nécessité de collaborer

• Dans beaucoup de trajectoires de soin, la période qui suit une hospitalisation requiert un suivi rapproché et complet. Ce besoin est renforcé avec l’importance grandissante des maladies chroniques complexes qui demandent un savant équilibre entre l’hospitalisation et le suivi à domicile. On assiste en effet à une véritable transition sanitaire due au vieillissement de la population, meilleures conditions de vie et de soins. Les maladies aigues ont disparu au profit de maladies chroniques et dégénératives. Ces maladies ont pour particularité de représenter une complexité de prise en charge sur le temps long. Il existe donc une véritable nécessité de mobiliser des compétences multiples. La problématique est renforcée dans une situation sociale de précarité, et d’isolement que rencontrent un certain nombre de patients.

L’organisation à l’échelle territoriale comme solution

• Face à ce constat, un mouvement de l’exercice coordonné émane des professionnels de santé eux même sous la forme de Maisons de santé. Progressivement soutenues par les pouvoirs publics, à partir des années 2000, ces structures se développent à une échelle très locale.
  Dans le cadre de la continuation d’une coordination annoncée il y a quelques années, le président Emmanuel Macron prône la généralisation des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) introduites en 2016. Constituée d’une équipe qui a en commun une patientèle en partie partagée, ces communautés professionnelles se rassemblent au cours de réunions dédiées pour mettre en place des protocoles pour articuler leurs actions. Agissant à l’échelle du territoire, avec une couverture plus large et globale que les maisons de santé, les CPTS rassemblent les acteurs individuels et institutionnels pour agir sur des problématiques communes à l’échelle d’un territoire et de sa population.